Le concept du maintien de la paix fait l'objet d'une multitude de définitions au sein de la littérature. La première définition proposée sur cette page possède l'avantage d'inclure l'ensemble des aspects du maintien de la paix alors que la deuxième offre une définition du maintien de la paix classique, c'est-à-dire à l'époque des premières opérations.  

Le maintien de la paix peut d'abord se définir par « la prévention, la limitation, la modération et la cessation des hostilités entre ou au sein des États grâce à l'intervention d'une tierce partie, organisée et dirigée à l'échelle internationale, faisant appel à du personnel militaire, policier et civil pour restaurer la paix ». Traduction libre de Indar Jit RIKTYE, praticien du maintien de la paix et ancien président de l'Académie mondiale pour la paix.

Le maintien de la paix peut ensuite se définir par « le déploiement d'effectifs, principalement militaires, de l'ONU, avec le consentement des parties concernées, en vue de maintenir un cessez-le-feu et de prévenir la reprise des hostilités [...] Ces forces ne sont déployées que lorsqu'un accord de paix intervient et est respecté. Par ailleurs, ces forces demeurent impartiales et neutres ; elles ne peuvent agir et riposter qu'en cas de légitime défense. Elles sont immédiatement retirées si les hostilités armées reprennent. »
Source : Charles-Philippe DAVID, La guerre et la paix : Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 306.

Il est également possible de formuler une catégorisation simple des opérations de maintien de la paix selon une distinction temporelle. On peut dès lors diviser les OMP (Opérations de maintien de la paix) en trois catégories, même si l'existence de la troisième catégorie fait l'objet d'un vaste débat dans la littérature :

Les OMP de 1ère génération

La première génération des OMP onusiennes se divise en deux phases :

  • La première phase regroupe les deux premières missions de l'ONU qui avaient un objectif de surveillance et de supervision des accords d'armistice conclus entre les deux États en conflit. Ces deux missions ont eu lieu en Palestine en 1948 et au Cachemire en 1949.

  • La deuxième phase inclut l'ensemble des opérations mises sur pied entre 1956 et 1978 qui prévoyaient un déploiement de casques bleus. La première opération est celle du canal de Suez en 1956. Le but de ces opérations était de favoriser le respect par les parties belligérantes de la ligne de démarcation des accords de cessez-le-feu en créant une zone tampon. Les OMP de cette phase sont l'UNMOGIP, l'ONUST, la FUNU I, la GONUL, l'ONUC, la FSNU, la MONUY, l'UNFICYP, la DOMREP, la MONUIP, la FUNU II, la FNUOD et la FINUL.


Caractéristiques des OMP de 1ère génération :

  • L'OMP est neutre et impartiale.

  • Le consentement des belligérants est requis avant le déploiement.

  • La mission est de taille réduite.

  • Les contingents sont formés de soldats légèrement armés.

  • Les tâches sont simples et de nature militaire.

  • Les contingents proviennent de petites ou moyennes puissances.

  • L'OMP s'inscrit dans un contexte de guerre interétatique.


Toutes ces caractéristiques sont reliées entre elles. Par exemple, le consentement des parties avant le déploiement assure un environnement sécuritaire pour les Casques bleus. Ceux-ci peuvent donc accomplir leur mission sans entrave majeure et sans équipement militaire lourd. L'impartialité est aussi très importante et c'est pour préserver la neutralité de l'OMP que les grandes puissances n'étaient pas invitées à participer aux missions.

Notions à retenir 
Les OMP de 1ère génération ne sont pas perçues comme prenant partie au conflit. Ce sont des missions d'interposition après un cessez-le-feu ou de surveillance de frontières. Puisque sa présence est acceptée sur le terrain, l'ONU peut déployer des missions de taille réduite. Les tâches sont simples et précises et ne nécessitent pas de personnel nombreux ou civil. Les superpuissances ne participent pas aux OMP sur le terrain, ce qui favorise l'image de neutralité de la mission.

Une césure historique 
Au cours de la période 1978-1988, aucune nouvelle opération de maintien de la paix n'est autorisée par le Conseil de sécurité des Nations unies. Cette paralysie du Conseil de sécurité est le résultat de la rivalité entre les deux grandes puissances durant la guerre froide. La fin de la guerre froide en 1989 va tout changer et présente une opportunité unique de redonner à l 'ONU son rôle d'agent de gestion des conflits. De 1988 à 1996, 27 nouvelles OMP sont donc créées, constituant dès lors une période d'expansion fulgurante des missions qui va coïncider avec l'avènement des OMP de 2e génération.

Qu'est-ce qui explique le passage de la 1ère génération à la 2ième génération?

La fin de la guerre froide constitue certainement le premier élément d'explication de la transition vers la 2ième génération d'OMP. La fin de la guerre froide s'accompagne effectivement d'un arrêt de la rivalité entre les deux superpuissances, ce qui permet le déblocage du Conseil de sécurité des Nations unies qui est paralysé depuis 1978. La fin de la guerre froide marque également le début d'une nouvelle ère puisque les conflits interétatiques laissent la place aux conflits intra-étatiques. La prolifération des conflits intra-étatiques entraîne nécessairement une redéfinition du maintien de la paix classique afin que les OMP soient davantage adaptées à la nouvelle nature des conflits. Cette nouvelle réalité du système international bouleverse la pratique classique du maintien de la paix en complexifiant davantage les missions. Cette complexification des missions possède quatre aspects particuliers :

  • Dès 1989, il est possible de remarquer un accroissement des demandes de missions, principalement en situation de guerre civile. L'expertise des casques bleus dans les situations de guerre civile est toutefois limitée à cette époque.  

  • La complexification des missions provient également de la plus grande diversification des pays contributeurs de troupes. Désormais, les casques bleus ne proviennent plus exclusivement des petites ou moyennes puissances, mais aussi des grandes puissances, des pays du tiers-monde et même des pays dont la participation était interdite (Allemagne, Japon). Cette diversification accrue des pays fournisseurs, en renforçant le caractère multinational des troupes, rend plus difficile la coordination des opérations.

  • La politisation des missions complexifie le déroulement des opérations. Les casques bleus ne font plus uniquement la surveillance d'une ligne de cessez-le-feu.

  • L'engagement militaire d'une grande puissance est désormais essentiel en raison du glissement des missions vers l'imposition de la paix (Pour une définition du concept "imposition de la paix", il faut consulter le glossaire). Le leadership des missions est dès lors pris par des organisations autres que l'ONU, mais toujours avec l'assentiment officiel du Conseil de sécurité.  


Le second élément d'explication de la transition vers la deuxième génération d'OMP réside dans la remise en question du principe de non-ingérence dans les affaires internes d'un État. La remise en question du principe de non-ingérence est liée à l'idée que le principe de souveraineté des États doit s'incliner lorsque la sécurité humaine des populations est mise en péril. Cette tendance a permis l'établissement de missions par le Conseil de sécurité à l'intérieur d'États sans leur consentement, ces missions étant justifiées par des raisons humanitaires. La première mission de ce type est celle qui a été établie en 1991 auprès des Kurdes dans le Nord de l'Irak.

Source : Charles-Philippe DAVID, La guerre et la paix : Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, pp. 311-315.

Les OMP de 2ème génération

Les conflits après la guerre froide sont des conflits internes, souvent de nature ethnique et religieuse. Ces conflits intenses éclatent dans des contextes de type anarchique où l'État central s'est effondré. Devant cette nouvelles donne, le maintien de la paix se transforme. Dans un contexte de conflit interne où un cessez-le-feu est inexistant, il n'est effectivement plus possible de maintenir la paix. Il faut dès lors l'imposer ou l'instaurer, ce qui exige une approche plus musclée et interventionniste.

Caractéristiques des OMP de 2ème génération

  • Environnement hostile ou semi-hostile.

  • Se déroule majoritairement dans un contexte de conflit intra-étatique et sans nécessairement le consentement du gouvernement.

  • Mission de taille imposante.

  • Contingents formés de personnel civil et militaire.

  • Tâches complexes et variées.

  • Les grandes puissance participent aux OMP sur le terrain.

  • Caractère multidimensionnel des missions puisqu'elles incluent en même temps des dimensions de maintien, de rétablissement, d'imposition et de consolidation de la paix.


Les OMP de deuxième génération présentent des caractéristiques très différentes de celles de la génération précédente. L'importance de l'usage de la force met en cause les notions de neutralité et d'impartialité. L'environnement hostile requiert un contingent plus imposant et mieux armé. Enfin, toutes ces transformations font en sorte que le maintien de la paix subit une expansion géographique, une explosion financière sans précédent et une surexploitation des ressources humaines disponibles. Les OMP de 2ième génération tentent de créer des conditions de paix plutôt que de maintenir la paix.

Conséquences 
Les conséquences sont d'abord la surexploitation des ressources et les échecs en Somalie, au Rwanda et en ex-Yougoslavie portent atteinte à la crédibilité de l'ONU. Il y a également une lassitude et une réticence qui s'installent parmi les pays contributeurs de troupes.

Adaptation de l'ONU 
C'est une période noire pour le maintien de la paix marquée de nombreux échecs, dont le Rwanda, la Somalie et l'ex-Yougoslavie. La crédibilité de l'ONU est dès lors minée. Il importe donc de tirer des leçons de ces erreurs, ce qui va enclencher un processus d'adaptation de l'ONU. L'ONU tente d'abord de renforcer ses mécanismes de réaction rapide pour pouvoir agir avant que la situation ne devienne incontrôlable. L'ONU collabore avec des organisations régionales (OTAN, Organisation des États africains, OSCE). L'ONU apprend de ses erreurs et s'adapte aux nouvelles réalités des missions de deuxième génération. Il s'agit d'une part de renforcer ses propres capacités et de collaborer avec des organisations régionales dans l'éventualité où celles-ci ont les moyens de pratiquer le maintien de la paix.

Les OMP de 3ième génération

La troisième génération des OMP débute en 1994 et se prolonge jusqu'à nos jours. Elle s'inscrit dans la continuité des OMP de deuxième génération tout en accentuant certaines de leurs caractéristiques. L'imposition de la paix devient la pierre angulaire des opérations de troisième génération, ce qui s'accompagne d'un souci particulier pour la reconstruction. Les opérations se font désormais majoritairement au sein des États implosés. De ce fait, le déploiement des opérations s'effectue sans nécessairement le consentement des autorités étatiques. En plus, la conduite de ces opérations d'imposition de la paix est sous la responsabilité des organisations régionales autres que les Nations unies, cette dernière offrant toutefois son aval à la mise en place de ces opérations.  

Voici des exemples d'OMP de troisième génération : l'usage de la force par les États-Unis en Haïti en 1994, l'OTAN en Bosnie en 1995, l'OTAN au Kosovo en 1999, l'Australie au Timor-Oriental en 1999, l'OTAN en Afghanistan en 2001.

Source : Charles-Philippe DAVID, La guerre et la paix : Approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, pp. 308-309.